La « liberté d’expression » n’existe pas pour le fascisme

Article paru initialement le 10 janvier 2021. Version relue et mise à jour.

Le fascisme grandit sur l’apathie.

Moins de réaction anti-fasciste il verra s’opposer à lui, plus il prospérera. De même, plus on le défendra, quelle qu’en soit la manière, plus il se sentira pousser des ailes. En témoigne la récente tentative de coup d’état du 6 janvier dernier.

Par exemple, avec la censure de trump sur les réseaux, on aperçoit non pas une apathie qui laisserait négativement une porte ouverte aux discours et actes les plus odieux, mais bien une défense qui donne du crédit positivement au fascisme, le fameux : « je suis pas d’accord avec vous mais je défendrais votre liberté d’exprimer ceci jusqu’à la mort »1… sauf que les gens qui font ça oublient, volontairement ou non, de quoi il s’agit, comment se manifeste cette « opinion », comment se manifeste son « expression »…

Moins d’une semaine après un coup d’état manqué (ou n’importe quel autre appellation) par l’extrême-droite la plus crasse étasunienne pro-trump, des personnalités « degôche » défendent la liberté de trump à s’exprimer. Alors qu’il a lui-même tout fait pour que l’événement du 6 janvier se réalise. Dans ce cas autant dire qu’on est pour le coup d’état fasciste aux usa; autant dire que les extrêmes « se rejoignent » et qu’on est comme les fachos. Le cas ruffin est exemplaire sur ce point et on va se baser sur sa dernière naïveté2.

On ne défend pas un ennemi, on le combat.

Les débats à avoir ne sont donc pas sur le combat lui-même mais sur la manière le mener.

Quand un politicien « degôche » n’est pas pro-trump mais…

Le caractère « ambigu » (voire carrément confus) de ruffin, ses alliances avec la complosphère etc a été traité en long et en large dans cet article que je recommande.

Dans tous les cas, le tweet ci-dessus comprend un bon paquet de ce qui est dangereux dans le discours démagogique de « liberté » des plus gros dangers publics d’exercer leurs dangerosité en toute tranquillité.

Le début, « c’est pas ma tasse de thé », raisonne comme « je suis pas fasciste mais… », qu’on a pu déjà critiquer à de nombreuses reprises sur ce blog. Alors le racisme, le nationalisme, la défense du nazisme avec le fameux « there are very nice people on both sides » (« il y a de très bonnes personnes de chaque côté », on va revenir tout de suite sur la confusion qu’implique ce mode de pensée), la tentative de coup d’état réactionnaire, ça n’est juste pas une « tasse de thé » pour monseigneur ruffin ? Il ne cherche à aucun moment à se positionner clairement contre le fascisme, parce que si trump n’aurait certes pas pu exercer sa fonction en tant que fasciste, il s’est clairement appuyé sur le soutient de la base fasciste, les symboles trouvés affichés dans la prise ratée du capitole en attestent sans équivoque.

Regardez bien son tatouage sur le pectoral gauche, les triangles intriqués…

Maintenant un peu de culture générale antifasciste. Une explication de ce qu’est le « wotanisme », symbolisé par les trois triangles intriqués.

Ensuite, pour revenir au tweet du confusément « degôche », on trouve la fameuse défense du « si l’extrême-droite perd sa liberté d’expression, la gauche la perdra à son tour ».

C’est oublier que l’état n’a pas attendu trump, loin de là, pour limiter la liberté d’expression des mouvements de gauche sur les réseaux et dans la vraie vie : gilets jaunes en prison, sites privés d’accès aux réseaux sociaux, comptes antifascistes supprimés etc, et plus récemment la loi institutionnalisant le fichage des opinions politiques et des engagements syndicaux.

Ensuite, ça met sur le même plan l’extrême-droite et le courant de la personne qui parle, dans ce cas la gauche alter-capitaliste. Il n’y a pas de doute que ce qui fait se rejoindre ces courants est un ensemble complexe de préoccupations communes et de thématiques (voir l’émission de Sortir du capitalisme à ce sujet, déjà cité plein de fois sur ce blog).

Mais ce qui non-seulement empêche des ruffin &’co de se positionner contre, mais au-delà de défendre le fascisme (trump, dans notre exemple), c’est une communauté d’intérêts, due à la compromission dans le pouvoir, pour faire court. Les fachos comme la gauche nationaliste ne veulent pas remettre en cause le capitalisme, ils et elle veulent, entre autres, d’un plus grand pouvoir d’état sur l’économie et d’un capitalisme aménagé. Les projets sont certes différents entre le suprémacisme blanc et le keynésianisme (qui peut tout autant se matérialiser sous la forme d’un suprémacisme nationaliste), mais ce point commun est suffisant aux yeux de la gôche pour ne pas voir les dangers que font courir ce mouvement réactionnaire. Sinon il n’y aurait pas de débat sur la lutte antifasciste, et cet article n’aurait pas lieu d’exister, et les comptes de réseaux sociaux de trump aurait été fermés bien plus tôt pour éviter les drames qui ont lieu encore récemment (tentative de coup d’état fasciste au hasard).

Enfin, ruffin oublie que l’extrême-droite est un danger, pas une opinion. Elle est plus dangereuse que la censure de son expression, même pour lui. Ça lui arrive évidemment car il ne fait pas partie des populations directement et immédiatement mises en danger par celle-ci. C’est pas lui qui a peur de sortir seul dans la rue parce qu’il est habillé de manière non-hétéro-normée, c’est pas lui qui risque l’hôpital ou la morgue parce qu’il se balade dans le mauvais quartier avec la « mauvaise » couleur de peau, c’est pas lui qui se fait quotidiennement traiter de « racaille » par les slogan tagués sur les murs, agrémentés de symboles gerbants etc.

Pourtant le fascisme a toujours lutté contre la gauche, qu’elle soit nationaliste ou internationaliste, et elle le fait encore aujourd’hui en attaquant les manifs. Le fascisme est notre ennemi à tous et toutes qui aspirons à une société égalitaire et les preuves de ceci sont données constamment par ses tenant·es et par l’Histoire.

Au final, en défendant l’extrême-droite, ruffin ne se rend pas compte qu’il défend son ennemie, qui trouvera la moindre occasion de le censurer à son tour. Et ce jour-là, les faf n’auront aucun état d’âme, comme ils et elles n’en ont jamais eu dans tout son histoire.

Le fascisme est un ennemi pour quiconque aspire à une société libre. Il serait illogique, idiot, dangereux de croire qu’en incluant le fascisme comme une partie respectable de la société pour laquelle on aspire à la liberté, on ne lui donne pas un moyen de plus de nuire. La respectabilité de l’extrême-droite à été bien construite en partie par la gauche nationaliste et confuse acceptant de créer des ponts avec l’extrême-droite sans jamais accepter aucune remise en question par exemple, allant même jusqu’à moquer les critiques du genre de celles que je fais actuellement pour mieux les évacuer.

La prétendues « dédiabolisation » ne peut pas nous tromper, si on a un minimum de jugeote. Le fn/rn est un parti produit d’une alliance avec des collabos et des nostalgiques de vichy, puis qui n’a jamais renié ce passé clairement et contient sans aucun doute un projet réactionnaire, il n’y a qu’à lire son programme pour le voir.

Mais les préoccupations électoralistes sans doute, du fait de la puissance de ce parti font marcher les opportunistes sur des œufs quand il s’agit d’être contre le fascisme, d’être antifasciste.

Un petit rappel d’où vient le fn, actuellement rn.
Pour les gens qui ne sauraient pas ce qu’est l’organisation à l’origine de ce fn.

On ne préserve pas un danger, on l’empêche de nuire.

Qu’on soit d’accord, le fascisme est un danger. Pour bien comprendre cela, je vais faire une petite digression métaphorique.

Lorsqu’une personne vous met en danger, la moindre des choses et de l’empêcher de nuire, pas forcément lui nuire à notre tour mais réduire au maximum sa capacité à nous mettre en danger. Quand une personne va carrément nous attaquer physiquement, on ne va pas se laisser faire, instinctivement on se protège au minimum, voire on riposte, c’est dans l’ordre des choses et sans cet instinct de survie élémentaire, nous ne vivrions pas très longtemps en ce bas monde. Alors pourquoi perdre cet instinct de survie quand le danger touche à la politique ?

En fait, les personnes qui défendent sans problème ces « expressions », qui sont pourtant très violentes (agression, propagande raciste, dégradation de locaux de gauche…) se positionnent clairement. Le fascisme défend le capitalisme en détresse, les ruffin et compagnie vivent du capitalisme, ils et elles ont une position privilégiée en son sein. Ils et elles ont donc tout intérêt à défendre ses protecteurs/protectrices d’urgence. A contrario, lorsque des dégradations sont commises sur des lieux symboliques du capitalisme (chaînes de fast-food, locations de véhicules, boutiques de luxe etc) par des mouvements de gauche et d’extrême-gauche, il y a une levée de bouclier de cette même « gôche » nationaliste, « républicaine », et en fin de compte capitaliste, qui n’a que faire qu’aucune victime autre que les vitrines n’a jamais été recensée et se préoccupe plus de cela que des agression racistes commises à Lyon par exemple.

Cette logique de la gauche institutionnellement compromise dans le pouvoir capitaliste-étatique en arrive à criminaliser la contestation sociale et défendre l’expression de la réaction, du racisme, du machisme etc. Il n’est alors plus besoin de prouver qu’aucune confiance peut leur être portée en terme de lute sociale, qu’elle soit antifasciste, anticapitaliste ou autre. Ce n’est même plus une « trahison » car ces personnes ont choisi dès le départ leur camp, et ce n’est pas le nôtre.

Le fascisme est un poison et le socialisme est son remède

Au final, il faut vraiment être parmi les classes privilégiées par le projet fasciste pour ne pas y voir le danger : homme, blanc, cisgenre, hétérosexuel, valide, athée (ou chrétien selon les cas)… Dire que les « antifas sont les symétriques des fa », comme le fait une autres personnalité « degôche » sois-disant, c’est mettre sur le même plan les agressions de soupes populaires (à Rouen), de collectes de jouets et de nourriture (à Lyon) par les fascistes et la distribution de tracts, l’information sur les réseaux et le collages d’affiches par les antifascistes.

Car il n’y a aucune affaire d’agression de la solidarité par des antifascistes, non plus aucune affaire d’agression racistes systèmatique etc. (il peut y avoir des problèmes internes de virilisme par exemple, mais ça ne donne pas lieu à des « ratonnades »)

Si vous mettez sur le même plan ces deux opposés, extrême-droite contre extrême-gauche, fascisme et anti-fascisme, vous faites partie du problème.

On ne se lassera pas de voir cette vidéo en rappel de ce que cache un friot défenseur de la liberté d’expression du négationniste chouard et militant anti-antifa (donc « fa » ? a lui, l’expert, d’en juger).

Je le mettrai autant qu’il le faudra, j’entends toujours des gens s’intéresser à ses idées. Et bien ses idées c’est aussi ça.

Pour lutter contre le fascisme, ne vous laissez pas dicter par des pseudos représentant·es la conduite à tenir. Comme on a vu, même une aile gauche d’un parti nationaliste reste dangereuse en gardant ses préoccupations au mieux naïves et purement économiques. Discutez avec des personnes aussi préoccupées que vous de la montée de cette peste. Organisez-vous entre personnes concernées par le danger fasciste. Gardez en tête qu’il ne faut jamais sous-estimer sa dangerosité, pour bien se protéger d’elle mais aussi savoir bien l’attaquer là où ça lui fera mal.

Ne sur-estimez pas non plus son désintérêt pour les réponses, aussi insignifiantes puissent-elles paraître à priori, à ses actes, ses discours et même à sa simple apparition. La moindre résistance les fait peur. L’opinion « publique » guide leurs décisions, un terrain hostile au fascisme les fera réfléchir à deux fois avant de s’y frotter.

Il faut multiplier les actes, même ayant l’air peu significatifs, pour bien maintenir la pression à nos ennemis, les décourager autant que possible, et le plus régulièrement possible, de manière systématique même, que ce soit en défense (arrachage des autocollants, couverture des tags etc) ou en offensive (collage d’autocollants et tags antifas par exemple) et mise en place de projets alternatifs (soupes solidaires, collectes de vêtements, organisation de solidarité en général, de quartier, syndicalisme révolutionnaire etc). Car ce n’est pas qu’en réponse directe au fascisme, comme pour réparer une machine cassée, qu’on lutte contre le fascisme, c’est aussi en lui opposant un projet alternatif, de gauche, qui n’a rien à voir avec lui, qui rend caduque son projet raciste, sexiste, nationaliste, réactionnaire et permet, à quiconque veut soutenir la lutte, d’expérimenter un projet d’avenir dans lequel tout n’est certes pas rose, mais où on ne subit pas les affres du capitalisme-étatisme.

Un slogan dit : « le fascisme est un poison, le socialisme est son remède », alors produisons le socialisme qui fera disparaître à jamais les pires tares du capitalisme-étatisme.

Et que vive l’Anarchie ! 🏴

1 cette citation toujours attribuée très probablement à tort à voltaire passe sur le contexte historique : voltaire ne connaissait pas l’existence du fascisme, même s’il était lui-même esclavagiste. Et ce genre de citation a tendance à mettre sur le même plan toutes les « expressions », du moment qu’elles sont blanches, hétéro, masculines etc. Mais sera étonnemment jamais utilisé pour défendre les autres. Pire, on va hurler à la « cancel culture » dès que l’expression est véritablement anti-raciste, féministe etc…

2 Par gentillesse, on va éviter de le traiter de « rouge-brun », ce qui devient pourtant de plus en plus tentant au fur et à mesure qu’il se positionne. C’est pourquoi on préfère imaginer une très grande naïveté de sa part, même si les coïncidences et la gravité de cette « naïveté » sont aujourd’hui très préoccupantes comme on va le voir.

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